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Après les disparitions successives d'Alain le Grand (mort en 907) et de Gourmaëlon (mort en 913), la Bretagne connaît un regain d'attaques de la part des Vikings. Ces derniers ne se contentent plus d'expéditions de pillages comme au IXe siècle, ni même de se retirer contre paiement d'un tribut de type « Danegeld », mais ils cherchent à se substituer aux dynasties locales et à établir une principauté, comme ils l'ont fait à la même époque en Irlande (à Dublin et Limerick), en Angleterre (à York et dans le Danelaw) et même, en 911, à Rouen Par ailleurs, le vicomte d'AngersFoulques Ier tente en vain de contrôler la région de Nantes.
Selon l'interprétation d'Hubert Guillotel, la seconde intervention d'Hugues le Grand et d'Herbert II de Vermandois contre Nantes, en 927, aurait permis de cantonner les Normands de la Loire à Nantes et favorisé le retour de certains émigrés, dont Alain, fils de Mathuedoï, qui aurait été contraint de s'exiler une seconde fois en 931, après l'échec de l'insurrection contre les Normands menée avec Bérenger et le massacre des Normands établis en Cornouaille avec leur chef Félécan. Toujours selon Hubert Guillotel, Hugues de Fleury, au début du XIIe siècle, relate le même évènement avec des détails complémentaires,.
Restauration
D'après le récit épique fait par Arthur de la Borderie, Jean, abbé de Landévennec, exilé comme les principaux membres de l'aristocratie bretonne depuis 919, revient en Bretagne vers 935, et recrute des tenanciers qui, réfugiés dans les rochers inaccessibles de la côte de Crozon, résistaient aux Vikings sous la direction de deux chefs locaux, Amalgod et Wethenoc. Il envoie ensuite des hommes sûrs à la cour d'Æthelstan pour informer de la situation Alain, fils de Mathuedoï, et le presser de prendre la direction des Bretons. Jean regroupe des partisans afin de lui fournir une petite armée, et lui fait prêter serment par Amalgod et Wethenoc.
À l’initiative de l’abbé Jean de Landévennec, avec l’aide d’une troupe de Bretons exilés et d’Anglais, Alain débarque en 936 en Bretagne près de Dol-de-Bretagne, puis attaque un camp viking qui pourrait être le camp de Péran,. Il combat les Normands à Plourivo avant de se replier , et marcher sur la Loire et Nantes et de les en chasser en 937,. Cependant, aucun texte d'époque ni aucune trace archéologique ne mentionne l'existence d'une telle bataille à Plourivo. Il est reconnu comme « Brittonum dux » en 938, mais, pour Jean-Christophe Cassard, Alain Barbetorte et ses successeurs continueront à être considérés comme des rois par leur peuple.
En 944, selon la Chronique de Flodoard, il se livre à une guerre fratricide avec Juhel Bérenger de Rennes que les Scandinaves mettent à profit pour piller de nouveau la Bretagne. La réconciliation devant le danger commun dut intervenir très rapidement, car dans la donation en faveur de l’Abbaye de Landévennec (vers 945-950), on voit le comte Iudhael signer juste après Alain dux Britonum, entouré de Jutohen l’archevêque de Dol, des évêques Hesdren de Nantes, Blendivet de Vannes et Salvator d’Aleth, d’un Houuel comes et d'un Vuerec (sans doute ses fils illégitimes), et enfin des vicecomes comme Iestin, ancêtre des sires de Retz et Diles (de Cornouaille) ou Moyse, décrit comme étant "très vertueux, orné de mœurs (glorieux), né d'une lignée de personnalité royale et d'ancêtres illustres" ("quidam vir indolis, moribus ornatus, stemate regalium ortus, ...stemate regalium ortus,... tradidit de sua propria hereditate sancto").
Alain Barbetorte développe les liens avec les abbayes de la vallée de la Loire, comme l'abbaye Saint-Mesmin de Micy, dont l'abbé Jacques est promu vers 950 à l'évêché de Saint-Pol-de-Léon. Son union avec une sœur du comte de Blois montre qu’Alain Barbetorte souhaitait conforter son rôle dans la politique du royaume de Francie occidentale. Sa mort prématurée en 952 met toutefois un terme à ses projets et à son œuvre de restauration de la puissance bretonne.
Arthur de la Borderie prend en considération la Chronique de Nantes pour avancer qu'Alain Barbetorte est inhumé dans la collégiale Notre-Dame à Nantes, ville qu’il avait choisie comme capitale et dont il avait encouragé la reconstruction après les destructions commises par les Normands. Plus récemment, Joëlle Quaghebeur s'appuyant sur l'origine géographique familiale d'Alain, sur le lien privilégié entretenu avec l'abbé Jean et sur le fait que le seul acte authentique de donation à un sanctuaire breton d'Alain concerne l'abbaye de Landévennec, « estime qu'il est envisageable » que la tombe no 2 du sanctuaire soit la sienne.
Une généalogie contemporaine émanant de particuliers, leur attribue une fille, « Gerberge »[réf. nécessaire], bien qu'aucun document contemporain ne la mentionne. Toujours selon cette généalogie, Gerberge se serait mariée avec Juhel Bérenger, comte de Rennes et serait la mère de Conan
Ils ont un enfant : Drogon de Nantes, appelé également Dreu, (né vers 950, duc de Bretagne et comte de Nantes, mort avant 958).
Alain Barbetorte sans doute pendant son exil vers 930 avait entretenu une relation avec la « noble Judith » jamais qualifiée d'« uxor » dans les sources. De cette liaison considérée comme extra-matrimoniale, sont nés deux enfants réputés illégitimes :
Hoël Ier, duc de Bretagne, et comte de Nantes, né vers 930, mort en 981
Les deux fils illégitimes sont assez âgés pour souscrire un acte avec lui vers 945. Frères « bâtards » du jeune Drogon, ils doivent s'effacer devant ce dernier mais tentent de s'imposer tour à tour après son décès prématuré.
Postérité littéraire
Alain Barbetorte est le héros du roman historique de Colette GeslinUne épée pour le Duc de Bretagne.
Notes et références
Notes
↑Chronique de Flodoard AD 919 p. 6 « Les Normands ravagent, écrase ruinent toute la Bretagne située à l'extrémité de la Gaule, celle qui est en bordure de la mer, les Bretons étant enlevés, vendus et autrement chassés en masse ».
↑Ce qui n'empêchera par Incon de Nantes le successeur de Ragenold de mener en 935 une expéditions en Berry.
↑Chronique de Flodoard AD 931 p. 56 « Les Bretons qui occupaient l'extrémité de la Gaule et avaient été soumis par les Normands se soulèvent contre eux et l'on rapporte que dans les solennités de la fête de Saint-Michel () ils les tuèrent tous en commençant par leur chef Félécan ».
↑Historia modernorum reum Francorum « L'an de l'incarnation du Seigneur 931, les Bretons installés en Cornu Galliae se révoltèrent contre les Normands auxquels ils étaient assujettis et tuèrent leur chef. Guillaume Longue Épée, fils et successeur de Rollon, pénétrant dans leurs territoires en ennemi le ravagea durement et il ramena à lui Bérenger le chef le plus puissant des Bretons et contraignit l'autre Alain à quitter sa terre. Il revendiqua alors toute la Bretagne ».
↑Chronique de Flodoard AD 936, p. 70 : « Les Bretons revenant des régions d’outre mer, du service du roi Adelstan, regagnèrent leur pays ».
↑Cette expédition de 936 figure aussi dans la contestable Chronique de Nantes (XIe siècle), d’après J.-C. Cassard.
↑Chronique de Flodoard AD 937, p. 76 : « Les Bretons revinrent après de longs voyages dans leur pays dévasté ils eurent de fréquents combats avec les Normands il restèrent vainqueurs et reprirent le pays dévasté ».
↑Selon Paul Jeulin (« L’hommage de la Bretagne en droit et dans les faits » dans Annales de Bretagne, tome 41, numéro 3-4, 1934, p. 408 et 409), « C’était, probablement, un serment de fidélité entraînant déjà, à proprement parler, vassalité » et « la Bretagne toute entière reconnaissait sa dépendance directe vis-à-vis de la France. »
↑Selon Richer de Reims, « Guillaume duc des Aquitains et Alain duc des Bretons voyant les pirates rentrés dans le parti du roi vinrent le trouver à Rouen et prêtèrent serment de fidélité ». Flodoard AD 942, p. 94, ajoute « Guillaume de Poitiers et les Bretons avec leurs princes vinrent trouver le roi à Rouen. Le roi en leur compagnie se rendit sur la rivière Oise ».
↑Chroniques de Flodoard AD 944, p. 104-105 « Il arriva bientôt de grands maux aux Bretons. Divisés qu’ils étaient par les querelles de leurs princes Béranger et Alain, ils furent attaqués, vaincus, taillés en pièces par les “Normands”, avec qui ils avaient fait un pacte. Dol une de leurs villes fut prise et son évêque fut étouffé de telle sorte par la multitude de ceux qui fuyaient dans l’église qu’il mourut. Cependant les Bretons ayant réparé leurs forces recommencèrent le combat et vainquirent les “Normands” ; ensuite il se donna un troisième combat ; une grande de multitude y périt de part et d’autre, mais les “Normands” l’emportèrent ; ils poursuivirent les Bretons à extermination, et les chassèrent de leur terre. Ainsi les “Normands” qui peu auparavant étaient venus des pays d’outre mer, s’emparèrent de la Bretagne ».
↑Le seul acte authentique de son règne, qui énumère les nombreuses donations faites à l'abbaye dont les paroisses de Batz et du Croisic avec les salines, un monastère Saint-Médard et les églises Saint-Cyr et Sainte-Croix de Nantes.
↑ de l'abbaye de Landévennec Charte De Baht VVenrann, noXXV, p. 156-157.
↑à la barbe mal plantée ou hirsute selon Henri Waquet « sur le sobriquet de Barbetorte » Notes de lectures, dans : Annales de Bretagne, Tome 51, numéro 1, 1944. p. 230-231.
↑Christian Y.M. Kerboul, Les Royaumes brittoniques au très haut Moyen-Âge, Spézet, Pontig éditions, , 257 p. (ISBN2-9510310-3-3, lire en ligne), p. 73.
↑René Merlet, « Les origines du monastère de Saint-Magloire de Paris », dans : Bibliothèque de l'école des chartes, 1895, tome 56, p. 237-273.
↑Dom Bède Plaine Les invasions des Normands en Armorique et la translation générale des Saints bretons Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Tome XXVI, 1899, p. 320.
↑Jean Pierre Nicolardot, Philippe Guigon Philippe « Une forteresse du Xe siècle : le Camp de Péran à Plédran (Côtes d'Armor) », dans : Revue archéologique de l'ouest, tome 8, 1991, p. 123-157.
↑Chronique de Flodoard AD 939, p. 82 : « Les Bretons combattirent avec les Normands, remportèrent la victoire et l'on dit qu’ils prirent un fort à ces derniers ».
↑Chédeville et Guillotel 1984, p. 373, il prend le titre de « Foulque comte de Nantes et vicomte d'Angers » dans un acte du .
↑Paul Jeulin, « L'hommage de la Bretagne en droit et dans les faits », dans : Annales de Bretagne, tome 41, numéro 3-4, 1934, p. 408.
Dom Bède Plaine, Les invasions des Normands en Armorique et la translation générale des Saints bretons Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Tome XXVI, 1899 p. 209-238 et p. 310-335.
Joëlle Quaghebeur Alain Barbe-Torte ou le retour improbable d’un prince en sa terre, Bulletin de l’Association bretonne, tome CXII, 130e congrès, Dol, 2003, p. 143-168.
Jean Renaud, Les Vikings et les Celtes, Rennes, Ouest-France Université, (ISBN2737309018), p. 132-138 L'interrègne scandinave.
Bruno Renoult, Les Vikings en Bretagne, Barcelone, Bretland, ediciones Nothung, (ISBN8-476330057).
Noël-Yves Tonnerre, Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale (Nantais et Vannetais) de la fin du VIIIe à la fin du XIIe siècle, Angers, Presses de l'Université d'Angers, (ISBN2-903075-58-1).
Sources primaires
Flodoard, Chroniques féodales 918-978, Sources de l'Histoire de France, Paleo, Clermont-Ferrand, 2002 (ISBN2913944655).